s. m. plur. Jeu de petites pieces de bois tourné, qui servent à joüer sur un tablier ou damier divisé en 64. carreaux, où l'adresse est tellement requise, que le hasard ne s'en mesle point, & on ne perd que par sa faute. Il y a de chaque costé huit pieces & huit pions, qui ont divers mouvements & regles pour marcher. C'est un jeu tres-ancien & universel. A la Chine on apprend aux filles à joüer aux eschecs pour les rendre agreables, comme ailleurs à danser & à chanter. Tamerlan a esté un fameux joüeur d'eschecs. Le Calabrois a fait un Livre du jeu des eschecs, & en a monstré plusieurs systemes. Menage rapporte diverses opinions sur l'origine de ce mot. Leunclavius croit qu'il vient de Uscoques fameux brigands de Turquie ; le Pere Sirmond de l'Alleman scach, qui signifie larcin, & calculus. Vossius & Saumaise tiennent que scacchus peut venir de calculus, qui a esté dit pour latrunculus, parce qu'ils ont creu, quoy qu'à tort, que nostre jeu d'eschecs estoit la même chose que ludus latrunculorum des Latins. Gregorius Tolosanus dit qu'il vient de l'Hebreu schach, qui signifie vallavit, & de mat, qui signifie mortuus est : d'où est venu eschec & mat. Joannes Fabricius dit qu'un celebre Mathematicien Persan Schatrenscha en a esté l'inventeur, & luy a donné son nom qu'il a encore en Perse. Nicod le derive de Scheque ou Xeque, qui est un mot Morisque signifiant Seigneur, Roy, ou Prince. Bochart dit aussi que ce mot scach est originaire Persan : & que Scach mat signifie le Roy est mort. L'opinion de Mr. Bochart & de Nicod, qui est aussi celle de Scriverius, sont les plus vraisemblables. Saumaise pretend que ce mot vient du Grec zatrikion, d'où il a passé en Perse. Le Roman de la Rose attribuë l'invention des eschecs à un nommé Athalus. La commune opinion des Anciens est que ce fut Palamede qui trouva l'invention des eschecs & de l'eschiquier pendant le siege de Troye. D'autres l'attribuent à un Diomede qui vivoit sous Alexandre. Mais la verité est que ce jeu est si ancien, qu'on n'en peut sçavoir l'auteur.
ESCHEC, au singulier, est un terme du jeu, qui signifie une attaque au Roy. On est obligé d'advertir le Roy quand il est en eschec ou en prise. Et on appelle un eschec & mat, quand il est tellement serré & attaqué, qu'il ne se peut retirer ni se couvrir sans estre pris ; ce qui termine la partie. On appelle l'eschec du Berger, celuy qui se donne au troisiéme ou quatriéme coup. L'eschec au Roy & à la Dame, ou au Roy & à la Tour, quand ces deux pieces sont également attaquées par un seul Chevalier.
ESCHEC, se dit figurément en choses morales, d'un malheur ou de quelque perte qui donne atteinte aux biens, à la fortune, à l'honneur. Ce favori a receu un grand eschec, un vilain eschec. L'armée a receu un eschec, on luy a enlevé un quartier. Cette accusation donne un grand eschec à la reputation de ce devot.
On dit qu'on tient des trouppes en eschec, quand on en est si prés, qu'on peut estre sur elles au premier mouvement qu'elles feront : qu'on tient trois ou quatre places en eschec, quand on est en estat d'assieger celle qu'on voudra choisir.
En ce sens on dit qu'une citadelle tient une ville en eschec, pour dire, qu'elle la tient en bride ou sujette, qu'elle l'empêche de se revolter : que le Parlement d'Angleterre tient en eschec l'autorité royale, pour dire, qu'il la retient dans les bornes prescrites par les loix de l'Estat.
On dit proverbialement, qu'aux eschecs les fous sont les plus prés des Rois, pour marquer que cela est vray aussi en la Cour de plusieurs Princes.
ESCHECS
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- Written by: Antoine Furetière
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